Trouver la juste distance est, pour les meres tel Afin de les filles, une tache difficile.

Elle l’est d’autant plus a une epoque qui encourage la fusion. Et menace leurs identites respectives. Explications et conseils pour aller du « je t’aime, moi non plus ».

On peut se rejouir que Notre realite soit parfois « moins pire » que dans les contes de fees ou, de Blanche-Neige a Cendrillon, les filles ne rencontrent de l’imago maternelle que le cote obscur, mechantes reines et vilaines maratres. Dans la vraie vie, heureusement, meres et filles entretiennent, dans l’ensemble, de bien meilleures relations qu’autrefois, moins dures, moins distantes. Mais leur plus grande complicite, idealisee via des pubs dans lesquelles elles apparaissent quasi jumelles, n’est jamais sans poser de nouvelles difficultes. La psychologue Sonia Prades 1 constate dans sa pratique les complications engendrees par le phenomene grandissant une « mere copine », favorise par la multiplication des familles monoparentales, l’effacement du pere, le jeunisme ambiant. Autant d’elements qui sapent progressivement la barriere entre les generations et font le lit de relations fusionnelles, source de confusion pour leurs identites respectives. « Cette indifferenciation croissante, observe-t-elle, fait surgir en consultation deux questions cruciales. Pour l’une : comment etre proche bien en demeurant a sa place de parent ? Pour l’autre : comment se separer concernant grandir ? »

Une relation refuge

Anasthasia Blanche , psychanalyste, anime de une quinzaine d’annees des ateliers intitules « La relation mere-fille, une affaire de vie ». Elle y recoit des dames « de 24 a 84 ans » venues interroger leurs difficultes. Au c?ur de votre panel, les quadras, filles de soixante-huitardes et meres de belles adolescentes, « une generation sandwich, prise entre multiples modeles de feminite et de maternite, en conflit avec leurs meres, vecues comme trop distantes ou trop intrusives, ainsi, avec leurs filles, en pleine pi?te d’opposition », decrit la psychanalyste. Leurs meres ont fera partie de cette generation qui, pour la premiere fois, pouvait avoir acci?s a une identite propre, au-dela de leur statut marital et de la maternite. Avant i§a, celle de leurs grands-meres n’existait que dans une sphere a la fois : le mariage (elles etaient epouses et meres), la sexualite (elles etaient maitresses) ou le travail (elles faisaient carriere, mais demeuraient vieilles filles). Grace au feminisme, elles ont gagne, apres 1968, les moyens de s’accomplir dans tous ces domaines.

« Toutes ne l’ont pas fait, poursuit Anasthasia Blanche, mais elles ont eleve leurs meufs avec l’injonction de pourvoir a leur autonomie, de ne dependre de personne. » Aujourd’hui, celles-ci mettent la barre tres haut, s’imposent d’etre performantes dans l’integralite des registres, et cela complique leurs relations avec leurs meres (qu’elles n’osent pas depasser) comme avec leurs filles (aupres desquelles, prises par la ti?che, elles se reprochent de ne pas etre assez presentes). Leur apparente solidarite (de nombreux femmes qui elevent seules leurs bambins sont copains de leur maman, notamment si elle-meme reste divorcee) reste ainsi traversee de ranc?urs sourdes, d’autant plus difficiles a vivre que, dans un contexte socio-economique fragile, « cette relation reste vecue tel un refuge, affirme Sonia Prades. On voit ainsi De surcroit et puis se constituer 1 “trio infernal” : mere, fille et petite fille repliees sur leur complicite au sein d’ un monde sans homme, ou il devient complique, Afin de nos plus jeunes, de construire un vie amoureuse sans avoir le sentiment de trahir la lignee maternelle ».

1. Sonia Prades, auteure de Telle tante, quelle fille ? (Leduc.s editions).

Un “pacte faustien”

Pour la psychanalyse, le spectre de la fusion est inherent a la relation mere-fille. « Lorsque l’on est une soeur, apporter naissance a une fille est une veritable reproduction », commente Anasthasia Blanche. Claque d’etre du meme sexe des enferme l’ensemble de deux dans une relation passionnelle car fondamentalement ambivalente, oscillant sans cesse entre l’amour le plus tendre et la haine la plus devastatrice. Pour Freud, Dans les faits, tandis que la menace une castration oblige le petit garcon a se detourner de le premier objet d’amour, la fille lui demeure inconsciemment liee sa life durant avec le ressentiment : jamais i§a ne lui pardonnera de l’avoir mise au monde « si en gali?re fournie », c’est-a-dire sans penis. Et pas elle ne renoncera a obtenir de sa mere une compensation que celle-ci ne est en mesure de pas lui apporter…